L'émergence des Private Trust Companies suisses (Le Temps)
Published: 14 July 2025
Partner, Head of Banking and Finance
Published: 14 July 2025 | |||
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Pendant des années, la Suisse a bercé l’espoir de créer un trust de droit domestique qui aurait vocation à concurrencer l’institution juridique de common law, dont les racines remontent au Moyen Age. Cette idée n’a toutefois pas pu réunir un consensus lors du processus de consultation, vu, d’une part, l’existence d’un instrument comparable en droit suisse (la fondation) et d’autre part, un cadre fiscal insatisfaisant. L’absence de consensus a finalement conduit au classement de la motion parlementaire en ce sens par le Conseil des Etats en décembre 2023, puis par le Conseil national en février 2024. Il serait toutefois inexact d’en conclure que les trusts ne sont pas connus ou pratiqués dans notre pays.
Structures dédiées à une famille
L’on rappellera tout d’abord que la Suisse a ratifié la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. Ce traité international, entré en vigueur en 2007, assure la reconnaissance juridique des trusts étrangers en Suisse. Cette ratification a grandement contribué au renforcement de la sécurité juridique et facilité le recours en Suisse à l’instrument du trust, notamment dans le cadre de planifications patrimoniales et successorales. Ceci a par ailleurs conduit, nonobstant l’absence de trusts de droit interne, à l’établissement en Suisse d’un certain nombre de sociétés agissant comme trustee pour des trusts anglosaxons.
Le cadre réglementaire entourant les trustees a, quant à lui, été fixé avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2020 de la loi sur les établissements financiers (LEFin), qui réglemente désormais leur activité en l’assujettissant à autorisation. A ce jour, il existe ainsi 138 trustees suisses autorisés par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) et surveillés par un organisme de surveillance.
A noter dans ce contexte un développement intéressant, à savoir l’émergence en Suisse de sociétés de trusts dédiées à une famille, appelées en anglais Private Trust Companies (PTC). Ces structures ont la particularité d’agir comme trustee pour un ou plusieurs trusts de droit étranger dont les bénéficiaires et le constituant (settlor) sont les membres d’une seule famille ou sont autrement liés entre eux.
Ce type de structures est destiné à des familles très fortunées. Leur origine remonte à la fin du XIXe siècle, moment où de telles structures ont été créées par des milliardaires américains pour détenir leur fortune. Les Private Trust Companies se sont ensuite implantés en Europe où ils ont connu un essor particulier ces dernières décennies.
Les Private Trust Companies offrent plusieurs avantages par rapport à des trustees professionnels. Ces structures sont typiquement moins onéreuses, car ne poursuivant pas un but lucratif mais facturant essentiellement aux trusts sous-jacents un montant permettant la couverture de leurs coûts.
Flexibilité et confidentialité accrues
Les Private Trust Companies offrent par ailleurs une flexibilité et une confidentialité accrues et assurent un meilleur niveau de contrôle sur les trusts sousjacents, tout en permettant une implication familiale. En pratique, ce type de structures permet par ailleurs de combiner l’activité de trustee à celle de secrétariat administratif ou family office pour la famille considérée, dont certains membres peuvent être eux-mêmes résidents en Suisse.
Finalement, l’implantation d’un PTC en Suisse offre souvent l’avantage d’une proximité géographique avec les institutions financières auxquelles les trusts familiaux ont confié leurs avoirs. Sur le plan réglementaire, ces structures uni-familiales peuvent, à certaines conditions, bénéficier d’une exemption de la surveillance prudentielle de la Finma (art. 2, al. 2, let. a, LEFin; art. 4 de l’ordonnance sur les établissements financiers, OEFin).
Elles restent en revanche tenues de s’affilier à un organisme d’autorégulation en application de la loi sur le blanchiment d’argent (LBA). Cette exemption présente des avantages importants en termes de coûts et sur un plan opérationnel.
Ces différents facteurs expliquent sans nul doute le nombre croissant de ces structures en Suisse. L’on peut penser que ce développement est appelé à se poursuivre, a fortiori dans le contexte géopolitique agité dans lequel nous vivons, qui fait de la stabilité politique etjuridique de notre pays des attraits importants supplémentaires pour ce type d’acteurs.
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