Abolition de l'imposition sur la valeur locative
Lors de la votation populaire du 28 septembre 2025, les électeurs suisses ainsi que la majorité des cantons ont approuvé à 57,7% des voix et 16,5 cantons, la réforme de l’imposition de la propriété immobilière. Cette réforme modifie profondément la manière dont les biens immobiliers sont imposés, affectant notamment les résidences principales et secondaires. Nous vous présentons ici les principaux changements et leurs conséquences sur votre fiscalité.
Publié: 2 octobre 2025
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Publié: 2 octobre 2025 | ||
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Rébecca Dorasamy |
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Jean-Blaise Eckert |
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1. Contexte
La votation du 28 septembre 2025 portait sur une révision de la Constitution, afin d’introduire un impôt immobilier spécial sur les résidences secondaires à usage personnel. Elle a également entraîné une modification législative prévoyant la suppression de l’imposition de la valeur locative ainsi que de plusieurs déductions fiscales liées à la propriété immobilière. Le Parlement ayant lié ces deux volets, l’acceptation de la réforme constitutionnelle par le peuple et les cantons implique automatiquement la validation des changements législatifs correspondants.
Selon le régime actuel, tout propriétaire occupant une résidence principale ou secondaire est imposé sur un revenu notionnel ("la valeur locative"), correspondant au loyer qu'il pourrait toucher en louant son bien ; pour une résidence principale, elle est toutefois (parfois largement) inférieure aux loyers du marché.
En contrepartie, diverses déductions sont autorisées, notamment pour les frais d’entretien et les intérêts passifs. Ces derniers ne se limitent pas aux hypothèques : ils incluent aussi les dettes privées, telles que les crédits à la consommation ou prêts personnels. Ces déductions permettent une planification fiscale pour de nombreux contribuables, les propriétaires pouvant bénéficier du système si leurs déductions sont supérieures à la valeur locative imposée.
Par ailleurs, certains cantons prélèvent déjà un impôt immobilier (ou "impôt foncier") au niveau cantonal ou communal. À Genève par exemple, le canton prélève un impôt immobilier complémentaire. En règle générale, aucune distinction n'est faite entre les immeubles loués et ceux réservés à l'usage personnel ni entre les résidences principales et les résidences secondaires.
2. Modifications principales de la réforme
1. Suppression de l’imposition de la valeur locative
La réforme supprime intégralement l'imposition de la valeur locative. Les propriétaires occupant leur résidence principale ou secondaire ne devront donc plus déclarer ce revenu locatif notionnel dès l'entrée en vigueur de cette modification législative.
En contrepartie, la possibilité de déduire des intérêts passifs sera fortement restreinte : ces derniers ne seront en effet à l'avenir admis que si le bien est loué ou affermé et que les revenus correspondants sont imposés. De plus, la déduction sera limitée à la part que représentent les biens immobiliers de rendement dans l’ensemble de la fortune, engendrant par définition un frottement fiscal lié à la méthode de calcul proportionnelle appliquée.
Une exception est toutefois prévue pour les contribuables achetant pour la première fois un logement en Suisse à titre de résidence principale. Ces derniers pourront déduire les intérêts passifs pendant dix ans, dans la limite d’un plafond annuel fixé à 10 000 francs pour les couples mariés et à 5 000 francs pour les contribuables célibataires ; ce plafond diminuant de 10 % chaque année. À titre transitoire, les contribuables ayant acquis un tel bien dans les dix années précédant l’entrée en vigueur de la réforme continueront de bénéficier de cette déduction, mais uniquement pour les périodes fiscales restantes.
En parallèle, la réforme entraînera également une limitation de déductibilité pour divers frais en lien avec les biens immobiliers que le contribuable occupe. Alors que les frais d'entretien ne seront plus déductibles à l'avenir, la déductibilité (au niveau cantonal et communal uniquement) d'autres types de frais en lien avec les mesures d’économie d’énergie et de protection de l’environnement, ainsi que ceux en lien avec les démolitions en vue d’une construction de remplacement restera à la libre appréciation des cantons. Concernant les monuments historiques, la déduction des frais de restauration demeure possible pour l’impôt fédéral direct, dès lors qu’ils sont prévus par la loi, effectués en accord avec les autorités ou imposés par celles-ci. Pour les impôts cantonaux et communaux, les cantons décideront s’ils maintiennent ou non cette possibilité.
Enfin, il convient de préciser que la déductibilité des intérêts passifs commerciaux ne sont pas concernés par la réforme : ils restent intégralement déductibles fiscalement en tant que charges, pour autant qu’ils soient justifiés par l'usage commercial. De même, les déductions liées aux frais d’entretien, aux travaux de remise en état d’un immeuble nouvellement acquis, aux primes d’assurance ainsi qu’aux frais d’administration par des tiers des immeubles de rendement, qu’ils soient détenus en nom propre ou par une société, resteront déductibles.
2. Impôt immobilier cantonal
Le deuxième volet de la réforme permet aux cantons d'instaurer un impôt spécial sur les résidences secondaires à usage personnel. Cette mesure vise principalement à compenser les pertes fiscales dans les cantons touristiques, tout en laissant aux cantons et aux communes une large marge de manœuvre pour en définir les modalités.
Comme ce nouvel impôt ne s’applique qu’aux résidences secondaires, celles-ci se retrouvent plus lourdement imposées que les résidences principales. Une telle différenciation contrevient aux principes constitutionnels d’universalité et d’égalité de l’impôt, ainsi qu’au principe de l’imposition selon la capacité économique. Pour cette raison, la nouvelle disposition constitutionnelle, adoptée lors de la votation, confère expressément aux cantons le droit de déroger à ces principes afin de mettre en place ce nouvel impôt immobilier.
Dans les cantons où un impôt foncier existe déjà, celui-ci pourra être combiné avec le nouvel impôt sur les résidences secondaires. Les modalités de mise en place par les cantons à ce sujet restent toutefois à ce jour indéterminées.
3. Entrée en vigueur
La date d’entrée en vigueur de la loi fédérale relative au changement de système d'imposition de la propriété du logement n’a pas encore été arrêtée par le Conseil fédéral. Toutefois, il a été oralement confirmé qu'elle entrerait en vigueur au plus tôt en 2028, afin de laisser aux cantons le temps nécessaire pour adapter leur législation aux nouvelles dispositions.
Si un canton choisit d’instaurer un impôt immobilier sur les résidences secondaires à usage personnel, cela pourra, selon son organisation, nécessiter une modification de la constitution cantonale ou l’adoption d’une loi conférant cette compétence aux communes. Dans certains cas, le canton définira les règles essentielles et laissera aux communes le soin de fixer le taux ; dans d’autres, chaque commune pourra décider de manière autonome. Le calendrier et les modalités concrètes dépendront ainsi du cadre juridique propre à chaque canton, ce qui rend la date d’introduction de ce nouvel impôt encore incertaine.
4. Incidences concrètes principales pour les propriétaires et les locataires
La réforme de l’imposition de la propriété immobilière introduit des changements majeurs pour les biens utilisés à titre personnel, qu’il s’agisse de résidences principales ou secondaires.
Les propriétaires occupant leur logement à titre personnel seront le plus touchés par la réforme. En effet, bien que la valeur locative ne sera plus imposée en leurs mains, les intérêts hypothécaires, ainsi que les frais liés à la propriété (entretien, primes d’assurance, frais d’administration par des tiers, etc.) ne seront plus déductibles. L’impact fiscal pour ce type de propriétaires variera donc selon plusieurs facteurs: lieu de domicile, niveau de la valeur locative, déductions disponibles et évolution des taux hypothécaires.
Bien que n'étant pas les principaux intéressés de cette réforme, les locataires et plus généralement la totalité des contribuables, seront également impactés par les modifications législatives, celles-ci limitant de manière générale la déductibilité de tous types d’intérêts passifs.
Vous trouverez ci-dessous notre FAQ regroupant les questions les plus fréquentes.
- Je suis imposé d'après la dépense (imposition forfaitaire) occupant un logement dont je suis propriétaire. La réforme a-t-elle des conséquences pour moi ?
Dans la mesure où le montant de votre imposition d'après la dépense est basée sur un multiple de votre valeur locative, la suppression de celle-ci pourra entrainer une modification de votre forfait. En effet, à l'avenir, la valeur locative sera remplacée pour les besoins de ce calcul par une "valeur locative fixée selon les conditions locales". La méthode de calcul de cette nouvelle valeur reste à définir, mais si elle s’avère plus élevée que la valeur locative actuelle — généralement inférieure aux loyers du marché —, cela pourrait donc augmenter votre base imposable en conséquence. Par ailleurs, des modifications sont également attendues en lien avec votre calcul de contrôle.
- Je suis propriétaire et je mets mon bien en location : quels impacts la réforme aura-t-elle sur ma situation ?
Si vous louez votre bien, vous pourrez toujours déduire les intérêts passifs de manière proportionnelle, à hauteur de la part que représente ce bien immobilier de rendement dans votre patrimoine total. Vous aurez également la possibilité de déduire les frais d’entretien, les dépenses liées à la remise en état d’un immeuble récemment acquis, les primes d’assurance ainsi que les frais d’administration confiés à des tiers. Les loyers perçus demeureront toutefois imposables.
- Je suis propriétaire et j’occupe mon logement à titre privé : quels changements dois-je attendre ?
Vous ne devrez à l'avenir plus déclarer de valeur locative, mais vous ne pourrez en principe plus déduire vos intérêts hypothécaires (sauf en cas de première acquisition récente) ni d'autres intérêts passifs. Les frais immobiliers, tels que ceux liés aux mesures d’économie d’énergie ou de protection de l’environnement, ne seront plus déductibles au niveau fédéral. Cependant, certains de ces frais resteront déductibles au niveau cantonal et communal pour les cantons qui en prévoiront la déductibilité.
- Je suis propriétaire et prévois d’importants travaux dans les prochaines années : puis-je encore optimiser ma situation fiscale ?
Oui, il peut être judicieux de planifier soigneusement vos travaux avant l’entrée en vigueur de la réforme, afin de profiter des déductions fiscales pour frais d’entretien avant leur abolition.
- Je suis locataire : en quoi suis-je concerné par cette réforme ?
Bien que la réforme touche principalement les propriétaires immobiliers, tout résident suisse est concerné par les mesures parallèles prévues. Ainsi, même en tant que locataire, vous ne pourrez plus déduire d’intérêts passifs à l'avenir, tels les intérêts dus sur les crédits à la consommation.
- Ma société détient des biens immobiliers : quel sera l’impact de la réforme ?
Les sociétés ne sont pas concernées par la suppression de la valeur locative, et les intérêts passifs, ainsi que d'autres frais immobiliers, liés à une activité commerciale restent entièrement déductibles dans le cadre légal actuel.
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Nous sommes conscients que cette réforme peut générer des questions relatives à votre situation fiscale et sur la manière de vous y préparer. Nous restons à votre disposition pour toute clarification ou pour fixer un rendez-vous afin de discuter de votre situation fiscale spécifique.
Avis légal: Le contenu de ce L&S Insight est de nature générale et ne constitue pas un conseil juridique. Nous nous tenons volontiers à votre disposition pour toute question spécifique.
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